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Fragments - Alexandre LABORIE

Des instants.

1 Août 2012, 05:48am

Publié par laborie.fragments

 

Je l’aimais, cette photo.

J’en étais fier.

Je voulais la montrer à tout le monde, la brandir, la publier.

Elle était comme une preuve.

La preuve que cet amour existait, respirait.

D’ailleurs, c’était très curieux,  le cliché n’avait pas figé ce souffle, on pouvait le percevoir dans chaque pixel.

C’était une photo vivante, une heureuse surprise.

L’image d’un rêve qui s’était fait chair.

C’est peut être pour cela que j’étais devant elle comme un enfant impressionné par l’histoire qu’on lui raconte.

Mais cette histoire était la nôtre et elle était vraie.

Nous étions couchés sur le sable de cette vaste plage.

Tu avais le bras tendu vers moi et ta main était cachée par la mienne qui la plaquait contre ma poitrine.

Je ne sais plus si j’avais pris ta main ou si c’est toi qui me l’avais donnée.

J’imagine un peu des deux !

Le soleil avait été bien généreux ce jour là et nous profitions de ses ultimes et fragiles rayons.

Un petit vent frais soufflait, mais le sable s’était réchauffé à notre présence et ta main alimentait mon cœur et tout mon corps d’une chaleur discrète, attentive.

Alors, j’ai fermé les yeux.
Et j’ai pensé que j’étais heureux.
Puis, le temps a passé, le travail a repris, les journées sans surprise, avec leurs gestes répétés, assimilés, accomplis à la perfection.
Mais tout était différent, grâce aux douces parenthèses, au milieu de la semaine, où nous nous retrouvions.
J’aimais arriver chez toi.
Prendre quelques secondes avant de sonner.
Le temps de sentir ta présence derrière la porte, de distinguer une musique, de t’imaginer dans ton appartement,  occupé à ranger quelques affaires dans le salon, à arroser tes plantes sur la terrasse, à prendre une douche.
J’avais un peu peur de venir perturber ce quotidien.
Parfois, la minuterie du couloir s’arrêtait et me plongeait dans le noir.
J’avais l’impression d’être sur scène avant que le rideau ne se lève et j’aimais ce mélange de trac et d’excitation.
Mais aucun rôle ici, pas de texte appris par cœur.
Juste un instinct, un désir.
La porte s’ouvrait.
Nous étions acteurs et spectateurs de nos retrouvailles.

J’aimais cette manière que nous avions de nous jauger, de nous regarder nous avancer l’un vers l’autre, sourire en coin, comme si nous voulions feindre un certain détachement devant nos sentiments.

Pourtant, nos yeux ne laissaient pas la moindre ambiguïté sur ce qui se jouait entre nous .

Tu étais surpris, un peu dépassé par ton désir et cela te rendait encore plus beau.

Souvent, je me mettais devant la fenêtre de la cuisine et je regardais la ville, les immeubles, les grues des chantiers, le petit jardin des deux voisins de la rue d’en face dont nous nous moquions parfois. 

J’aime la douceur de la ville en fin de journée.

Le bruit des voitures est toujours plus doux, le soir, lorsque les gens rentrent chez eux.

 J’observais le soleil qui s’en allait tandis que tu venais me surprendre en te serrant délicatement contre mon dos et en posant ta tête au creux de mon épaule.

Je respirais lentement cet instant-là.

Encore aujourd’hui, il m’arrive d’y reprendre mon souffle.

Car les moments de plénitude ne meurent pas.

Les êtres qui se séparent peuvent bien choisir l’indifférence, mais l’amour reçu et donné continue de vivre, dans un monde parallèle qui nous survit.

Je mesure ma chance d’avoir réalisé cela grâce à toi.

Voilà pourquoi j’avance, sans regret, sans nostalgie, avec une envie d’aimer plus forte encore.

Maintenant que je sais que c’est possible.

J’attends le moment où je pourrai de nouveau respirer des instants comme ceux-là et y être présent, pleinement.

Sans peur.

Etre  heureux.

Comme chez toi … Comme sur la photo…

 

Alexandre LABORIE

 

 

 

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TRÊVE

30 Juillet 2012, 22:31pm

Publié par laborie.fragments

Nous ne le savions pas encore mais c’était notre dernier voyage ensemble.

Rome.
La pluie nous avait surpris en cette fin de matinée au cœur du Trastevere.

Nous avions trouvé refuge dans un restaurant, sous une modeste terrasse, couverte d’une bâche, installée à même la rue.

Comme par défi envers ce ciel tourmenté, nous nous y sommes installés.

Mais le torrent ne s’arrêtait pas et quelques gouttes venaient tinter sur nos assiettes.

Le repas terminé, nous avons couru sous l’averse, comme deux enfants, sourire aux lèvres jusqu’à l’hôtel, à côté du Campo dei Fiori.
Nous qui marchions depuis des jours, du petit matin jusqu’au soir, nous étions condamnés soudain à l’immobilité.
L’un à côté de l’autre, dans la chambre, nous nous sommes assoupis.
Au cours de la sieste, je me suis réveillé, je me sentais un peu coupable de rester enfermé alors qu’il y avait tant de belles choses à voir dans la ville.
Ton visage endormi exprimait une tristesse dont je me savais la cause.

Le sommeil t’avait saisie juste avant que les larmes ne viennent. 

Tu t’étais réfugiée en lui.

L’orage s’est installé dans le ciel, violent.

La noirceur a envahi les rues vides. 

La ville s’est tue en fermant ses volets.

Rester à l’abri était la seule chose à faire.

Ma culpabilité a vite disparu.

Elle a laissé place à ce petit plaisir que l’on éprouve lorsque l’on est confortablement installé et que l’on voit les éléments se déchaîner.

Ce tonnerre furieux et régulier a fini par me bercer et j’ai sombré de nouveau.

Nous avons rouvert les yeux en même temps.

Qu’il était doux ce réveil.

Nous étions surpris d'avoir dormi si longtemps et impatients de répondre à l’appel que nous entendions dehors.

Celui des pas sur les pavés, des premières bribes de conversations des passants qui parvenaient jusqu’à nous, des rires d’enfants, des klaxons de voitures.

Un fin rayon de soleil perçait à travers le rideau mal fermé.

Il éclairait la petite table de l’entrée sur laquelle nous avions jeté, en hâte, le contenu de nos poches trempées.

La vie avait repris.  Il était temps de repartir.

Quittant le silence de la chambre, nous avons été saisis par l’effervescence qui régnait dans la rue.

D'abord engourdis, nous avons peu à peu retrouvé nos réflexes, notre pas a repris son rythme, nous étions prêts de nouveau à nous perdre.
Le soleil prenait son temps avant de se coucher.

Ses derniers rayons faisaient briller les gouttes de pluie encore présentes sur les pavés, transformant chacune d’elles en autant de petits soleils éclairant la route des promeneurs.

C’était comme un second matin, une seconde chance donnée à cette journée.

La grand-mère du magasin de souvenirs ressortait son présentoir à roulette recouvert de cartes postales.
Elle le tirait avec empressement et les roulettes butaient sur les pavés, menaçant à chaque instant de faire tomber les cartes qui s’étaient déjà mélangées et formaient un éventail anarchique.

Un jeune serveur nettoyait énergiquement les quelques tables de la terrasse d’une pizzeria.

Pendant ce temps, son patron, debout devant l’entrée, hélait un de ses amis et se lançait dans une conversation bruyante, accompagnée de grands gestes désordonnés.

Nous avons pris des chemins de traverses, parcouru, seuls, quelques rues, puis, dans l’une d’elles, nous avons retrouvé la foule.
Elle nous a porté jusqu’à la place Navona, cette place que tu aimes tant.
Le soir naissant était empreint d'une effervescence d'après déluge.

Etudiants, chanteurs, touristes, musiciens s’étaient donné rendez-vous autour de la « Fontana dei Quattro Fiumi».

Sous l’œil des statuts du Bernin, les enfants zigzaguaient entre les dernières flaques d’eau tout en observant, intrigués, les objets fluorescents en forme de papillons que des marchands ambulants lançaient dans les airs.

Plus loin, leurs parents, assis aux terrasses des restaurants, assistaient, distraits, à la scène.

Nous faisions le tour de la place, chacun à notre rythme.
Je m’arrêtais pour observer un « homme statue » qui faisait un clin d’œil à chaque fois qu’un gosse lançait une pièce dans le chapeau qu’il avait déposé à ses pieds.
Pendant ce temps, tu avançais.
Puis c’était à ton tour de ralentir pour essayer de capter les bribes de conversation d’un groupe de filles qui semblaient s’intéresser aux garçons assis sur les barrières du trottoir d’en face.
Ainsi, nous finissions toujours par nous rejoindre.
Cette fois-ci, lorsque cela s’est produit, sans nous concerter, nous nous sommes dirigés vers une porte entrouverte, laissant s’échapper une lumière chaude, dorée.
Happés par cette lueur, nous avons grimpé quelques marches pour accéder à l’entrée du bâtiment.
Au fur et à mesure que nous nous approchions, nous distinguions quelques notes de musiques qui s’échappaient de l’intérieur et lorsque nous sommes arrivés en haut, nous avons découvert qu’il s’agissait d’une église.
Nous sommes entrés.
Il y avait, devant la porte, une armée de parapluies mal alignés, fripés et ruisselants.

Plus loin, c'était le silence.
Un silence musical, porté par la foi des quelques personnes qui se recueillaient et par les voix des chants religieux.
Un silence qui ne fait pas peur. 
Du marbre de l’autel aux fresques baroques de la coupole, il donnait à voir un monde apaisé et rassurant.
Je suis resté debout, pas loin de l’entrée, en équilibre entre ces deux univers.

Un simple pas en arrière et les clameurs du dehors prenaient le dessus.
Un pas en avant et c’était le recueillement.

Nourri  de ces deux mondes, je me créais le mien, toujours guidé par ma quête d’harmonie.

Je t’observais.
Tu semblais libérée de toute peur et de toute tristesse.
C'était comme un instant de trêve où les armes sont déposées, les armures rangées pour laisser la place à la confiance.

Un de ces instants où l’on sait que rien de mal ne peut nous arriver.

Ton regard se promenait calmement dans l’église, s’arrêtant parfois sur une vieille dame en train de se recueillir ou sur ce jeune homme qui s’était soudain détaché de la chorale pour jouer du violon.

Tu l’observais attentivement.

Soudain, tes yeux ont furtivement croisé les miens.

Tu as eu l’air surpris.

Tu m’as souri avant de te retourner pour continuer à écouter le jeune musicien.

A quoi pensais-tu ?

Je ne le sais pas.

Moi, je me disais tout simplement que j’étais bien, heureux.

J’étais dans l’instant, j’étais l’instant lui-même.

Le présent, pleinement.
En paix.
Et cette paix là, je ne l’ai pas retrouvée depuis. 

 

 

Alexandre LABORIE

Toulouse, Juillet 2012

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Barcelone

17 Juillet 2012, 19:58pm

Publié par laborie.fragments

Barcelone (Textes par Alexandre Laborie & Musique et chant: Kentin Jivek)

 

 

Barcelone by Alexandre Laborie et Kentin Jivek

 

 

Pour découvrir l'univers de Kentin Jivek, quelques liens:

 


http://www.kentinjivek.com

 

 

 

 

http://soundcloud.com/kentin-jivek

 

 

Barcelone

 

J’ai quitté Barcelone, mon cœur a fait silence

Mais cette dignité a volé en éclat

Est-ce de ne plus sentir le chaud de ta présence

C’est le manque à présent que je prends dans mes bras.

 

A ce moment précis où du ciel je contemple

Ce monde miniature que la vitesse gomme

J’imagine où tu es,  est ce qu’à mon exemple

Tu affrontes ces vils et douloureux fantômes ?

 

Penses-tu à ces cœurs étrangers qui ont su

Dès les premiers instants imprimer leur destin

Ce temps qui fut le nôtre, l’as-tu aperçu ?

Où n’était-il qu’un beau mais unique festin ?

 

Car nous savons tous deux que ces jours fantastiques

Ont esquissé un sort que nos bouchent réclament

Il n’appartient qu’à nous de le rendre authentique

Il n’appartient qu’à nous de crier le sésame

 

Nous sommes à la merci d’une étrange tempête

Qui nous réunira où nous dispersera

Naufragés valeureux, victorieuse conquête

Le hasard de la vie au final choisira.

 

Quelle que soit la sentence de ce juge suprême

Quand nous aurons enfin quitté l’œil du cyclone

Moi, je n'oublierai pas cette passion extrême
De nos corps amoureux, là-bas, à Barcelone.


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